mardi 14 février 2012

Quand l'appétit va...


Cela fait deux semaines que nous sommes de retour. Prise rapidement dans l’engrenage de la routine, du travail, bref, de la vie quotidienne, j’ai de la difficulté à croire qu’il y a deux semaines, j’étais en train de me baigner dans la fabuleuse piscine du Hard Rock Café à Kuta. Ce n’est pas un regret : après cinq semaines loin de chez-nous, nous avions tous hâte de retourner à la maison. Les croissants au beurre de Chez Guillaume me manquaient cruellement. Souvent, lorsque je suis loin de chez moi, ce n’est pas tant mon lit, ma douche, mes vêtements qui me manquent. Ce sont des saveurs. J’ai envie de retrouver la cuisine de tous les jours plus que tout. À peine 48 heures après être débarquée de l’avion, je me mitonnais les petits gâteaux aux carottes, glaçage au fromage à la crème, dont je rêvais depuis deux semaines. Un simple souper au fromage, foie gras torché au porto et pain baguette a fait notre bonheur. Le plaisir que j’éprouve à retrouver mes casseroles me confirme à chaque fois la place importante que tiennent les délices de la table.
Le festin de Babette, de Karen Blixen, est pour moi, jusqu’à présent, l’œuvre qui a le mieux représenté l’importance que peut prendre la nourriture sur notre état d’âme : cette réunion de vieux puritains, unis autour d’un souper extravagant comme ils n’avaient jamais pu imaginer et leur douce transformation à chaque service est extraordinaire. Sous l’effet de la bonne chère, de vieilles brouilles sont enterrées, les esprits pétillent, les visages sourient et chacun se sent inexplicablement plus léger et plus heureux. Comme le dit Babette, ce n’est pas que de la cuisine, c’est véritablement de l’art.
D’ailleurs, je dois souligner que mon désir de retourner à mes fourneaux n’a absolument rien à voir avec la qualité de la cuisine que nous avons mangé à Bali. Tout au long de notre séjour, nous avons divinement bien mangé, ce qui me fait  placer Bali pas très loin derrière l’Italie comme destination où la cuisine m’a marquée. Je ne me lassais pas de leur riz au légumes avec un œuf frit et une grosse chip de crevette (nasi goreng) ou de leurs nouilles aux fruits de mer (mie goreng), des poissons fraîchement pêchés et grillés ou du poulet dans la sauce aux arachides (gado-gado). Quand un goût de cuisine occidentale se faisait sentir, il se trouvait toujours un restaurant d’expatrié pour nous calmer le mal du pays. Le Café des Artistes à Ubud où l’on mangeait belge, le Moz.Art de Gili Trawangan et sa délicieuse Sachertorte ou le Porch Café de Sanur et ses hamburgers.
Montréal est une ville exceptionnelle à ce titre : je connais peu d’autres grandes villes dans ce monde où il existe une telle diversité culinaire. Ici, on peut voyager avec nos papilles partout sur la planète. Ce n’est donc pas si mal de rentrer au pays dans ces conditions.

jeudi 26 janvier 2012

De l'art à Bali

Je suis allée hier passer quelques heures à Lombok pour y acheter des perles, surtout ces fameuses perles des mers du Sud qui sont cultivées au large du port de Bangsam. On voit les fermes du bateau en arrivant. J’étais très curieuse de voir de quoi aurait l’air l’île, puisqu’elle est si belle de Gili T. Les paysages sont dramatiques, avec leur vert intense, leurs dénivellations impressionnantes et les baies cerclées de sable doré. Par contre, pour ce qui est de la géographie humaine, rien à voir avec Bali. Peut-être n’en n’ai-je pas vu assez, mais Senggigi, Bangsam et les quarante-cinq minutes de voiture qu’il m’a fallu entre les deux ne m’ont pas du tout donné le goût de visiter Lombok, sauf si j’étais une vraie amateur de plein air. Je suis pourtant habituée de voir des maisons modestes et pas jolies du tout en voyage, normalement, ça ne me frappe pas vraiment et ne me fait nécessairement croire qu’un endroit est laid. Ici, Lombok souffre trop de la comparaison avec Bali, où la beauté est omniprésente peut importe où se pose notre regard. A seulement une heure de bateau rapide, c’est frappant.
Les maisons balinaises ont presque toutes l’air de petits temples, avec les ornements qui s’imposent. Chaque famille a d’ailleurs son temple où se tiennent les cérémonies familiales. Pour nous accueillir, il y a des statues représentants des dieux hindous. Et ces statues ne sont pas mises là comme les lions devant les maisons italiennes de Montréal Nord, simplement pour orner. Elles sont vêtues d’un sarong (quand Simon  a demandé pourquoi toutes les statues avaient une pièce de tissu autour d’elles, la jeune fille l’a regardé, l’air de trouver la question idiote et a répondu « Eh bien, elles sont habillées comme nous ») et on leur offre à tous les jours des offrandes sous forme d’encens, de fleurs et de riz ou de biscuit. Ça apaise les démons et ça fait le régal des fourmis. Les offrandes, c’est du sérieux et c’est tant mieux, parce que grâce à elles, il y a des fleurs partout, même sur les trottoirs. Sans compter que je demeure persuadée que c’est leur attachement à leur religion et leurs croyances qui fait que les Balinais ne sont pas « pervertis » par l’Occident et que leur culture ne se trouve pas reléguée comme du folklore pour les touristes. Aucun bâtiment ne doit dépasser la hauteur d’un cocotier : c’est la règle qui a été établie par les prêtres lorsque des promoteurs ont voulu commencer à construire d’horribles complexes hôteliers pour gringos.
Outre la sculpture, la peinture et l’architecture, les arts de la scène ne sont pas en reste : danse, musique, théâtre, on dirait que les Balinais savent tout faire. Ubud était bien sûr l’endroit idéal pour en profiter et nous avons d’abord assisté à un spectacle de marionnettes sous forme d’ombres chinoises. La délicatesse des marionnettes, qui sont découpées de profil, fait penser à de la dentelle. Il y a toujours la musique du gamelan qui accompagne les représentations (on dirait un mélange de xylophone et de vibraphone) et qui nous submerge par ses sonorités profondes. Notre seconde expérience fut un spectacle de Legong, la danse traditionnelle. La séance était découpée en plusieurs scènes mettant en vedette chacun un personnage : le guerrier, les amoureux, la danse de bienvenue, la jeune fille. Un peu long pour les enfants (comme les marionnettes d’ailleurs), mais tout le monde était content d’avoir vu en peu de quoi il en retournait. Le Legong est tellement différent de ce que nous avons l’habitude de voir chez-nous, on a d’abord l’impression qu’ils ne font que bouger leurs doigts et rouler des yeux de fous. Mais non, chaque personnage a sa chorégraphie, avec des mouvements qui lui sont propres. Valentine et moi avons pu le remarquer dans le superbe ballet du Ramayana que nous sommes allées voir. Valentine avait tellement hâte de voir le prince Rama et la princesse Sita, elle est restée captivée du début à la fin. Il y avait son ami l’oiseau Garuda (son visage s’est illuminé quand il est entré sur scène), le singe Hanuman, les méchants rakshashas, le vilain Rayama, tout le monde y était. Quand à la toute fin, les danseurs ont invité les gens du public à aller prendre une photo avec eux, tout le monde était gêné. J’ai proposé à Valentine d’y aller, elle n’osait pas, mais nous nous sommes approchées et c’est le prince Rama qui l’a prise par la main pour l’emmener sur scène, Tout le monde a applaudi la petite fille qui a brisé la glace et Valentine rayonnait d’être entourée de tous les personnages.
Jusqu’à présent, le seul pays que j’ai vu qui pourrait rivaliser avec Bali au chapitre de la beauté, c’est l’Italie. L’Italie a le souci du design en plus, mais à Bali, on sent que l’art habite l’ensemble de la population, et non pas juste quelques figures marquantes. Les marchands sont aussi artisans, musiciens, danseurs, peintres. C’est ce qui fait son unicité.

samedi 21 janvier 2012

Giligan's Island

J’ai trouvé, à Gili Trawangan, exactement le genre d’ambiance que je recherchais depuis le début du voyage et qui avait fait cruellement défaut à Sanur. Le véritable sentiment que nous sommes en vacances : ce que les affiches publicitaires pour Cuba essaient de nous vendre sur le bord des autoroutes, mais en mille fois mieux. Une eau claire et limpide, du sable doré à souhait, des gens relaxe qui racontent leur dernière expédition de plongée, des barbecues qui grillent des poissons qui batifolaient le matin même avec insouciance et une vue imprenable sur Lombok, qui a l’air d’une terre sauvage vue d’ici. On se sent comme Christophe Colomb qui aperçoit Hispaniola pour la première fois. Bienvenue à Gili Trawangan.
Nous l’avons bien mérité, ce séjour sur l’île, qui sera fort probablement notre dernier arrêt avant de retourner à Sanur pour prendre l’avion. Ce n’est pas toujours évident de se déplacer avec deux jeunes enfants, une poussette, trois valises et tout le reste, mais quand les enfants souffrent du mal des transports, c’est encore pire. Depuis plusieurs mois, tout allait bien lors de nos déplacements, nous en étions presque venus à croire que tout ça était fini. Que nenni. Après 1h30 de « shuttle bus » d’Ubud à Padang Bai (Christophe) et encore 1 heure de bateau rapide pour se rendre ici (Valentine et Christophe), nous sentions tous le vomi. Les photos de ce blogue ne nous montrant que sous notre meilleur jour, vous ne verrez  jamais la face que nous faisions en arrivant ici. C’est le « dark side » du voyage, il y en a toujours des moments, mais suffit d’une piscine et d’un hôtel confortable comme le Marthas pour tout faire oublier.
Et puis, cela fait à peine plus de 48 heures que nous sommes ici et on dirait que ça fait une semaine. Le temps prend une autre dimension quand on voyage, mais à Gili T, c’est encore plus remarquable. Je crois que la dernière fois que j’ai vécu cela, c’est à Caye Caulker, au Bélize. En fait, c’est Caye Caulker que je recherchais en venant ici, mais Gili T est encore plus intéressante. Ne serait-ce que pour la vue, comme je mentionnais plus haut. L’absence de véhicules motorisés offre un peu de répit à notre odorat, qui peut amplement profiter de l’air salin, ainsi qu’à nos oreilles.  Pour se déplacer, nous prenons des carrioles tirées par des chevaux garnies de clochettes qui font un bien plus joli son. On fait le tour de l’île en une demi-heure en carriole. Un seul côté est développé, l’autre est encore presque sauvage.
Autre point non-négligeable : pas de chiens, mais des chats. Bali est peuplée d’une foule de chiens errants, pas nécessairement méchants, mais qui vagabondent partout dans les rues. Les chiens errants offrent un spectacle beaucoup moins agréable que les chats, qui ont toujours une grâce de pachas peu importe la vie qu’ils mènent. Que des chats à Gili T et avec l’appel à la prière que je retrouve avec bonheur cinq fois par jour, on se croirait au Moyen-Orient, qui ne compte que des pays de chats. Les pays de chiens, ce sont ceux de l’Amérique centrale.
Que faire à Gili T, sinon lézarder sue la plage et manger poissons grillés et crème glacée (chez l’unique marchand de l’île, Gili Gelato) ? Plonger, bien sûr. Trop distraite à préparer les bagages à mains remplis de surprises et de collations du départ, j’ai oublié mes papiers de plongeuse (gggrrrrr !), mais je me rattraperai en snorkelling, surtout que je peux maintenant en faire avec mon fils.

mercredi 18 janvier 2012

Les disciples du Dr. Dolittle

De plus en plus, lorsque je me trouve en voyage, je suis sensible à la nature et surtout, aux animaux. L’amour que portent les enfants aux animaux ne m’a jamais quitté en grandissant et je me trouve bien heureuse de pouvoir le partager aujourd’hui avec Christophe et Valentine. Simon et moi étant sur la même longueur d’ondes lorsqu’il est question de bestioles, nous avons donc profité d’Ubud tant pour visiter les parcs d’animaux exotiques des alentours que pour vivre à proximité des animaux peuplant les rizières. Chez Monsieur Balloune, au Hibiscus Cottages, nous en sommes entourés, alors je me réveille le matin au son des canards qui viennent faire leurs ablutions matinales juste à côté de notre chambre. Et le soir, nous nous endormons avec le chant des grenouilles. Les enfants se réjouissent de trouver des chenilles et des limaces. Il n’y a que les moustiques qui n’ont pas notre faveur.
À la première journée ensoleillée, nous nous sommes tous précipités au Elephant Safari Park de Taro. Ce parc, voué à l’adoption d’éléphants ayant terminé leur carrière à Sumatra (il n’y a jamais eu d’éléphants à Bali), nous permet bien sûr d’admirer les bêtes, mais aussi de faire une courte balade sur leur dos, de les nourrir, et même d’acheter leurs œuvres d’art. Car ces éléphants ont la trompe artistique et peignent des toiles vendues au prix fort pour les touristes. Le résultat n’est pas si mal et l’opération est tout de même originale. C’est ainsi que la belle Debbie nous a fait une toile dans les tons de jaune (couleur préférée de Christophe) et de rose (couleur préférée de Valentine), sous l’œil attentif des enfants.
L'artiste à l'oeuvre.
C’est la balade à dos d’éléphants qui étaient attendue avec impatience par tout le monde et elle en a franchement valu la peine : plus d’une demi-heure à se promener dans les rizières et la forêt environnante, avant de plonger dans la baignoire des pachydermes. Tout le monde était ravi et le plus drôle était de voir l’éléphant de Simon et Christophe prendre la pose avec sa trompe lorsque nous nous arrêtions le temps d’une photo. Après la balade, c’était le temps de la collation et tout le monde a nourri les bêtes, surtout Valentine qui a vite compris où se trouvait le garde-manger et qui avait tant de plaisir à leur donner des bâtons de canne à sucre.

Christophe et Valentine en train de nourrir leurs éléphants.


Ce n'est visiblement pas sa première photo.
Ça finit dans le bain.
Pour compléter la visite, il y a un petit musée qui expose de magnifiques objets d’ivoire ou à thématique d’éléphants. L’ivoire est splendide et ces objets, souvent vieux de plus de cent ans, ont conservé leur blancheur éclatante. Il y avait même une défense sculptée d’un bout à l’autre, avec des ornements en argent aux extrémités. Une chaise de maharajah tout en or et en velours, suspendue au plafond, ressemblait au traîneau du Père Noël, mais en plus riche.

Deuxième et troisième parcs au programme (ils sont adjacents) : le Bali Bird Bark et le Bali Reptile Park. Dans le premier, qui présente une belle variété d’oiseaux d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Indonésie, deux choses m’ont frappée. D’abord, la grue couronnée d’Afrique : jamais un oiseau ne m’a autant frappée par son élégance. Son port royal et son plumage d’un noir profond la distinguent des autres. Étant en train de lire La ferme africaine de Karen Blixen, j’avais l’impression d’avoir toute la beauté de l’Afrique sous mes yeux, à la simple vue de ces grues, comme si le livre avait pris vie. Qu’elles doivent être belles dans la nature. Et puis, le parc nous permettait de prendre des photos avec une multitude de perroquets sur les bras et sur la tête, ce qui a bien amusé Valentine qui s’est prêtée au jeu avec sa fougue habituelle et a essayé, sans succès de convaincre Christophe.

La magnifique grue couronnée.

Pleine d'oiseaux.

Valentine n'a pas réussi à convaincre son frère de faire de même.
Le parc voisin, celui des reptiles, nous a donné la chance de voir de nombreux spécimens de crocodiles, dont de véritables et immenses crocodiles d’Afrique. La star du parc, le dragon de Komodo, semblait plutôt solitaire dans son coin. Les enfants ont pu caresser des iguanes et constater que mes histoires de crocodiles au Bélize sont véridiques : ils font semblant de faire dodo pour mieux nous attraper. Lorsque nous nous sommes approchés d’une fosse, un crocodile avait la tête qui sortait légèrement de l’eau. Dès qu’il nous a aperçus, il s’est discrètement caché sous l’eau, si bien qu’on ne le voyait plus du tout. Impossible de se douter qu’il était là. Lui, par exemple, devait nous surveiller attentivement. Un autre, ailleurs, a fermé les yeux en nous voyant, faisant semblant de dormir profondément.
Avec un iguane au Bali Reptile Park.
Ce qu’il y a de bien lorsqu’on voyage en dehors de l’Occident, c’est qu’on peut faire plein de choses dangereuses qui seraient absolument impensables chez-nous. Un midi, nous étions dans le coin du Bali Zoo et nous avons décidé d’aller y dîner (nous avions fait assez de parcs d’animaux et avons décidé de laisser tomber le Zoo ainsi que le Safari and Marine Park). Ça tombe bien, sur l’heure du dîner, il est possible de prendre des photos avec les animaux, qu’on nous dit. Des perroquets, des singes, un serpent à la rigueur ?

Avec un alligator sur les genoux.

On caresse un bébé tigre.
J’ai fait deux safaris au tigre en Inde pour en apercevoir dans la nature. Je me serais déjà comptée très chanceuse d’en avoir vu un. Jamais, au grand jamais, je n’aurais imaginé un jour pouvoir en caresser un en vrai.



















lundi 9 janvier 2012

Ubud

Avec la pluie intense qui nous tombe dessus depuis deux jours, Ubud tarde à se faire apprécier. Nous guettons chaque éclaircie dans l’espoir qu’elle durera, ne serait-ce que pour aller voir la Forêt Sacrée des Singes : même si elle ne semble pas particulièrement invitante, j’ai hâte d’aller voir des animaux, Ici, nous nous servirons de Ubud pour aller au Bali Elephant Safari Park, Bali Bird and Reptile Park, voir Goa Gajah (une grotte aux éléphants), voir la ferme des papillons, le mont Agung et peut-être même la grotte aux chauve-souris, située plus près de la mer. En plus de ce programme faune et flore assez chargé, nous voulons profiter au maximum de la vie culturelle ici avec spectacles de Legong (danse), Batong (masques), Gamelan (musique) et ballet (le Ramayana).

Il pleut sur Ubud
Avant de quitter Sanur, nous avions tout de même eu envie d’aller voir la ferme de tortues marines de Turtle Island. Le programme avait l’air alléchant : transport jusqu’à Nusa Dua, ballade en bateau avec fond de verre (pour observer la vie sous-marine), une heure de plongée en apnée avant d’arriver à la ferme. Le trafic à Bali ressemblant au Pont Champlain à l’heure de pointe, ça nous a pris une heure et demie nous rendre à Nusa Dua quand ça aurait dû être 30 minutes. L’eau de la mer à cet endroit était d’un vert intense qui nous empêchait de voir quoi que ce soit à travers la vitre du bateau, même à trois pieds du bord. Je ne m’attendais donc pas à grand-chose de la plongée et je n’ai effectivement rien vu, même pas mes palmes. Mais le plus grand bonheur de cette expédition, c’est Christophe qui me l’a donné. Deux jours auparavant, je lui avais acheté un masque et un tuba et il ne les lâchait plus. Il a peaufiné sa technique dans le bain d’abord, dans la piscine ensuite et il a fallu se battre avec pour ne pas qu’il les mette pour dormir. Quand est arrivé le temps de la plongée dans la mer et que je me suis préparée, ce n’était même pas une question pour Christophe : nous avions emmené son équipement, il voulait m’accompagner. Vêtus de nos vestes de sauvetage, nous avons plongé . Au début, il sortait la tête à chaque respiration, comme s’il n’était pas certain qu’il pouvait vraiment garder la tête sous l’eau longtemps. Je lui ai donc proposé de rester sous l’eau et de compter jusqu’à dix. Je l’entendais compter, les oreilles dans la mer et là, nous avons pu explorer pour vrai. Il avait compris. Je lui ai aussi appris à lever son pouce pour me répondre que tout allait bien, à me faire un signe de poisson si jamais il en voyait un. Si vous lui demandez, il en a vu des poissons, mon Christophe pas de lunettes plongeant dans une eau verte et opaque. Je n’allais pas le décevoir pour sa première vraie plongée. Valentine a eu le courage d’essayer, mais ça ne l’intéresse visiblement pas de tout.
Simon et Valentine en bateau
Christophe et moi en plongée

La ferme des tortues est toute petite, on fait le tour en une trentaine de minutes. Les tortues grandissent protégées, nous avons même pu en toucher, mais les animaux font pitié. Les iguanes, toucans et aigles Isauf les chauves-souris, magnifiques roussettes de Bali) étaient continuellement dans les mains des guides et touristes, en train de poser. Je suis certaine qu’ils devaient attendre le coucher du soleil avec beaucoup d’impatience. Les enfants, bien sûr, n’ont rien vu de cela et n’ont conservé que le plaisir d’avoir vu de nouveaux animaux et d’avoir pu caresser un iguane et des tortues.
Christophe et Valentine observant les tortues.
Au cours de la visite, nous avons vu plusieurs familles de Java qui passaient quelques derniers jours de vacances à Bali avant la rentrée des classes. En observant les tortues, deux ou trois jeunes filles me regardent avec un air souriant et fier de pouvoir dire en anglais « What is your name ? » et « Where do you come from ? » pour finir avec un « May I take a picture with you ? » et là, toutes énervées et fébriles comme si j’étais Justin Bieber, je pose avec elles. Valentine s’est jointe à moi sur la photo, à leur demande. Je me suis retrouvée plongée en un instant en Syrie et j’ai revécu, pour la première fois depuis, le genre de réaction que je suscitais là-bas à tout bout de champ. La situation s’est reproduite trois ou quatre fois, dont une avec la matriarche qui se met de la partie et n’est pas moins énervée que ses filles, pendant notre visite et à chaque fois, une vague de nostalgie s’intensifiait pour la belle Syrie et son peuple, le plus marquant que j’ai rencontré jusqu’à présent par son hospitalité et sa gentillesse.
Lorsqu’on a tourné Eat, Pray, Love à Ubud, ce n’était sûrement pas en janvier. Nous profitons du mauvais temps pour aller voir des spectacles et aller au musée, mais nous aurons vite fait le tour. Le Musée Puri Lukisan, qui fait office de musées des Beaux-Arts, nous a permis d’avoir un aperçu de l’art balinais, en comprenant mieux les différents motifs, thèmes et styles utilisés. Les thèmes semblent se réduire à des représentations de la vie quotidienne, des scènes du Mahâbarâta (les accents ne sont probablement pas au bon endroit, j’y vais de mémoire) et d’autres du Ramayana. Je ne connais pas du tout le premier, mais le second, un peu grâce au surprenant film de Nina Paley, Sita Sings the Blues. Je l’ai revu dernièrement avec les enfants pour les familiariser avec la culture hindoue : c’est un film d’animation avec des couleurs vives et les personnages sont assez étonnants pour exciter l’attention d’enfants de trois ans, à l’époque. On peut le voir au complet sur YouTube (légalement, car l’auteur l’a autorisé) :
http://www.youtube.com/movie?v=1QkYOqI3jSM&ob=av1e&feature=mv_sr
Valentine, toujours dans sa phase princesse, était donc particulièrement intéressée par les images de la princesse Sita, le plus souvent en train de se faire enlever par le méchant Rayama. Comme quoi on peut apprendre n’importe où, nous avons donc pu connaître, au musée, qui était l’ami monstre de Valentine à l’hôtel de Sanur : c’est l’oiseau Garuda, qu’on a souvent vu dans les toiles venir à la rescousse des bons. Valentine crevait de fierté de voir son ami essayer de sauver la princesse Sita.
Au Musée à Ubud

Valentine regarde les joueurs de gamelan.


mercredi 4 janvier 2012

À destination

Ça fait six jours que nous sommes à Sanur (Bali) et je sens que nous avons maintenant trouvé notre rythme de voyage. Les nuits sont dorénavant normales (il en aura fallu trois avant que les enfants n’arrêtent de se réveiller aux petites heures du matin), nous avons apprivoisé notre environnement et avons développé nos premières habitudes. Personne n’est malade (encore !), tout le monde est heureux d’être dans un climat tropical (même si Valentne lance à la blague qu’elle a oublié son manteau d’hiver à Montréal) et la gentillesse balinaise nous laisse présager un séjour mémorable.
Les vingt-cinq heures d’avion tant redoutées se sont passées comme sur des roulettes. Il faut croire qu’il a été payant de préparer des jumeaux de quatre ans longtemps d’avance. Avoir une quantité astronomique de collations sous la main a grandement aidé, surtout pour les petits appétits que le bibimbap de Korean Airlines ne ragoûtait pas du tout. Est-ce parce que je n’avais jamais vraiment remarqué avant, mais le service à bord auprès des enfants était impeccable : de belles surprises sur chacun des vols (sauf les vols nord-américains, bien sûr), des hôtesses souriantes et à l’avenant que je voyais s’attarder auprès des enfants récalcitrants (ce qui n’était pas du tout le cas de Christophe et Valentine, à notre grand bonheur) ! L’aéroport de Séoul est le plus surprenant que j’ai vu jusqu’à présent. Il y a un nombre incroyable de boutiques de luxe, tellement que je suis persuadée que la Croisette à Cannes n’a absolument rien à lui envier ! Une belle section de jeux pour les enfants, histoire de se dégourdir les jambes, se trouvait juste à côté d’un musée d’histoire et d’artisanat coréens pour les voyageurs en transit. Une fois passée la sécurité, nous avons même pu assister à un petit concert d’instruments à cordes, au grand bonheur de Christophe qui a vu ses violons chéris ! Bref, un succès sur toute la ligne.

Christophe qui écoute les violons à Séoul (Aéroport Incheon)


Sanur est une petite ville de plage fort tranquille, et nous nous retrouvons, au Ari Putri Hotel, dans la section la moins achalandée. C’est un petit hôtel chaleureux, avec une piscine pour les grands et les petits, où l’on mange très bien. Valentine s’est fait un ami monstre à qui elle rend visite plusieurs fois par jour : c’est une de ses magnifiques sculptures de bois, comme on en retrouve tant ici, et qui se situe à la réception de l’hôtel. Elle s’invente plein d’histoires avec lui, pendant que je n’en finis pas d’admirer la table qui se trouve à côté. C’est une table à café en bois avec des fleurs qui me semblent être des fleurs de lotus sur le dessus, protégées par une vitre. Je la veux. Christophe est attiré comme un aimant par la piscine et maintenant qu’il a un masque et un tuba, il sait qu’il est un plongeur et se prépare à observer les tortues à Gili Trawangan. Étrangement, la mer et la plage ne sont pas un incontournable encore, sauf pour l’observation des bateaux : Christophe, qui aime tous les moyens de transport, est heureux de les regarder et de s’en approcher, pendant que Valentine se plaint qu’elle a du sable partout.
Ma table de rêve
Valentine et son ami le monstre gentil

« Shopping can be a consuming pastime in Bali » qu’il disait, le guide. My God, nous n’étions tout de même pas préparés pour ça. Les tout premiers jours, il devenait évident que les vêtements d’été amenés du Québec ne convenaient pas du tout au climat. Une superbe raison pour s’équiper en paréos, robes, chemises de batik et autres indispensables pour ne pas crever de chaleur dans nos t-shirts Gap et Mexx. Surtout quand les morceaux coûtent en moyenne 5 à 8 $ chacun. Ensuite, le batik nous offre la possibilité d’acheter des nappes et des napperons. Bon, les miens commencent à faire dur à la maison, que je me dis… L’artisanat, on regardera ça à Ubud, mais comment résister quand je vois un bel œuf de bois peint représentant Ganesh (mon préféré) ? À voir ce qu’on a déjà sous les yeux en termes de galeries d’art, ça va faire mal rendu là-bas. Finalement, il y a les bijoux. Bali n’est pas l’Inde (Kine et moi avions étalés tous nos bijoux sur un lit et pris une photo pour immortaliser la chose avant de quitter Delhi), mais les perles !!! Qu’elles sont belles ! Et des bijoux d’os sculptés d’une délicatesse incroyable. Dans mon livre à moi, un bijou (de qualité, on s’entend, en métaux ou pierres précieux), ce n’est pas une dépense, mais un investissement. 2012 sera donc l’année pour investir dans les perles.

Au Jardin des Orchidées de Sanur

jeudi 15 décembre 2011

Fébrilité

Depuis que le mois de décembre a commencé, je me sens fébrile : les enfants viennent d’avoir quatre ans, l’ambiance des Fêtes me rattrape et bien sûr, la perspective du voyage qui s’en vient. On dirait que je n’arrive pas à y croire : on part vraiment et c’est mon projet, ce voyage. À seulement deux semaines du départ, j’ai ce sentiment que ce ne sera pas un voyage ordinaire, qu’il y aura un avant et un après Bali. Ce ne sont pas tous mes voyages qui deviennent des pierres marquantes et on ne le sait jamais vraiment avant, mais celui-ci, j’ai cette impression. Je l’ai eu avant de partir en Turquie, je savais qu’à la fin de mon baccalauréat en histoire et de ma vie en appartement à Québec, je venais de terminer quelque chose qui ne reviendrait plus jamais. Le voyage en Turquie et la vie à Londres ont clairement fait cette coupure, j’en suis revenue transformée pour toutes sortes de raisons. En préparant mon voyage de deux mois d’Istanbul au Caire, je sentais que j’allais vivre quelque chose d’inhabituel parce que je partais seule dans des pays où personne de ma connaissance n’était jamais allé, des pays réputés dangereux (ce qui  n’était pas du tout le cas soit dit en passant). Ce voyage-là a été déterminant pour moi et n’est certainement pas étranger à l’amour que je porte depuis pour le monde musulman et arabe. D’ailleurs, une fois à Bali, je veux aller aux îles Gili entre autres pour avoir le bonheur d’entendre l’appel à la prière.
Il y a aussi cette idée que cela m’enchante de partir vers l’Ouest. Comme si j’allais découvrir un nouveau territoire juste parce que je ne m’envole pas dans le même sens que d’habitude, parce que je vais traverser le Pacifique. Je ne pense pas l’avoir ressenti en allant en Argentine, peut-être parce que je suis souvent allée en Amérique centrale et donc qu’il ne s’agissait que d’aller un peu plus au Sud. L’Ouest. Ça me semble vraiment être le bout du monde. Je vais à l’autre bout du monde, là où le jour est la nuit et vice-versa. Dans un monde complètement différent du mien. Même si Bali reste très touristique, je vais quand même dans un pays où vivent des peuples qui ne connaissent à peu près rien de la modernité. C’est tout de même incroyable. Ça aussi, ça ajoute à l’idée de bout du monde.
Et, au final, comme disait Henry Miller : « One’s destination is never a place rather than a new way of looking at things. » C’est beaucoup pour cela que je ressens ponctuellement le besoin de sortir du Québec.